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Véronique : "Nous ne sommes pas valorisées à la hauteur de l'importance de notre métier et de nos compétences"

15 juin 2020

Pendant la crise, il est des métiers qui ont été particulièrement sollicités, et qui ont maintenu leur activité malgré les risques pour « prendre soin ». Prendre soin des personnes âgées, c’est le quotidien des auxiliaires de vie sociale du Proxim’Services Rhuyz-Muzillac. Véronique nous a fait le plaisir de prendre un moment pour nous raconter son quotidien et l’impact de la crise du Covid-19.

« Je suis Véronique, je suis auxiliaire de vie sociale au sein du Proxim’Services Rhuys-Muzillac. Pour moi, une journée de travail type, c’est le matin : le lever, l’aide à la toilette, la prise de petit déjeuner des bénéficiaires. A partir de 11h, je gère l’aide à la préparation des repas, puis la prise de repas avec les bénéficiaires. L’après-midi, place au temps de stimulation cognitive, de mobilité ou d’animation : promenades, jeux de mémoire mais également quelques tâches ménagères pour appuyer les personnes. Puis en fin de journée, vient le temps de l’aide au repas, des transferts et au coucher des bénéficiaires.

J’accompagne environ 6 personnes dans une journée, avec un roulement dans l’équipe afin que chacun connaisse les situations pour que nous puissions prendre nos temps de repos.

Je suis formée à tous ces accompagnements si importants dans la vie d’une personne via mon DEAVS (Diplôme d’Etat d’Auxiliaire de vie sociale) que j’ai obtenu au bout de 18 mois de formation, qui a suivi un BEP sanitaire et social. Cela me permet d’être dans la bonne posture, de maîtriser les pratiques professionnelles et les techniques pour accompagner les personnes, en m’adaptant à leur difficulté et de leur permettre de vieillir à domicile. Pour moi, cette formation est très importante d’abord pour nos usagers parce qu’elle permet d’être dans un accompagnement de qualité mais également pour nous en tant que professionnels. Nous devons développer une certaine distance par rapport aux personnes que nous accompagnons, à notre pratique pour bien rester dans notre rôle. C’est important pour notre bien-être au travail, on ne doit pas servir d’éponge. Nous ne sommes pas les enfants des bénéficiaires même si on peut très vite devenir leur confident, surtout lorsque ces personnes sont isolées.

Le Covid 19 est une période bien sûr très difficile pour nous. Les personnes que nous accompagnons se sont retrouvées très vite isolées, elles ne pouvaient plus faire de sorties, de ballades, voir leurs proches. Pour celles qui sont assez autonomes pour être à domicile, tout se passait par Internet, les courses, les RDV médicaux, elles se sont retrouvées perdues et hors-circuit. Je suis particulièrement inquiète pour les personnes qui n’ont plus de famille, celles qui ont des pathologies comme Alzheimer ou apparentées. Certaines ne vont plus me reconnaître c’est sûr, je ne sais pas dans quel état je vais les retrouver. J’espère qu’on pourra reprendre les interventions très vite auprès d’elles.

Ce qui est le plus difficile à accepter, pour nous, dans ce métier, c’est de voir les bénéficiaires malades, isolés, livrés à eux-mêmes, nous devons accepter nos limites.

A contrario, quel bonheur de voir quand on peut apporter du bien-être aux personnes, voir qu’on peut les stabiliser, leur apporter du bonheur, un mieux-vivre.

Globalement Covid ou pas, notre métier n’est pas reconnu. Que ce soit en termes de valorisation par la société, les pouvoirs publics, par notre rémunération. La preuve, le gouvernement a mis en place des primes pour les soignants, les professionnels d’EHPAD, mais pour nous ? Tout reste à faire...

Pourtant, nous faisons le même métier, nous avons d’ailleurs pris plus de risque à nous déplacer du domicile d’un bénéficiaire à un autre.

On ne reconnait pas la qualification nécessaire à notre métier, et notre savoir-faire. Nous devons faire avec les multiples déplacements quotidiens, sans véhicule mis à disposition. Nous pouvons avoir des amplitudes importantes dans la journée, ce qui complique notre gestion hebdomadaire. Nos contrats sont à temps partiel donc les fins de mois peuvent être difficiles.

Nous sommes dans des petites structures à qui on ne donne pas les moyens de répondre à ces besoins, et si ça continue, je crains que nous n’arrivions plus à recruter, c’est déjà le cas d’ailleurs ; nous avons un beau métier mais bien trop contraignant. L’Etat doit comprendre que nous ne sommes pas une variable d’ajustement. »