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Aide à domicile : un secteur sous tension

18 juin 2020

La crise du Covid 19 est particulièrement impactante pour le secteur de l’aide à domicile. Entre la responsabilité de la continuité des activités essentielles pour les personnes fragiles et la protection des salariés, le secteur est soumis à rude épreuve. Anne Mercier, directrice du Proxim’Services Rhuys-Muzillac du réseau Coorace, nous livre son retour sur cette période difficile.

« Dès le début du confinement, il nous a fallu faire des choix en urgence sur les activités à maintenir ou non et privilégier les actes essentiels au maintien à domicile : lever, coucher, aide à la toilette, repas, courses… Les consignes nationales étant bien de privilégier ces interventions vis-à-vis des interventions de confort non prioritaires. Nous avons donc annulé les missions de ménage pour les personnes non fragiles. Cela n’a pas toujours été compris par nos usagers, eux-mêmes très inquiets par la situation. Nous avons du faire preuve de pédagogie pour les rassurer. Nous avons fait le choix d’appeler tous nos bénéficiaires une fois par semaine, même ceux chez qui nous n’intervenions plus, pour prendre de leurs nouvelles, vérifier que tout allait bien, et leur proposer un service de courses à domicile afin d’éviter les sorties. Garder un lien social était notre priorité. Avec une équipe en temps réduit, cela n’a pas toujours été évident. En effet, le chiffre d’affaire a suivi les baisses d’heure et nous avons dû mettre en place de l’activité partielle, aussi bien pour l’équipe administrative que pour les aides à domicile.

Pour protéger les salariés et continuer d’assurer les missions essentielles, il a également fallu trouver des solutions alternatives face à la pénurie d’équipement de protection individuelle. Au début de la crise, nous disposions d’un tout petit stock de masques, gants, gels… Nous avons donc dû prendre les devants et organisé la continuité d’activité : nous avons frappé à toutes les portes : fournisseurs de matériel médical, pharmacies, partenaires pour des commandes groupées… (le secteur d’aide à domicile n’étant pas prioritaire comme les soignants !) par la suite, le gouvernement et les départements ont pris conscience de l’importance du rôle des services d’aide à domicile comme professionnels médicaux, notamment face aux personnes les plus dépendantes et pour éviter les hospitalisations.

En Bretagne, ce sont les conseils départementaux qui sont les maîtres d’œuvre de la distribution des masques et ont octroyé aux SAAD du territoire un minimum de protections ; la doctrine de doter nos services sur la base d'une quotation au prorata de notre volume d’activité des plans d’aide APA/PCH n’est pas toujours suffisante car nous intervenons également auprès de personnes vulnérables sans plan d’aide du conseil départemental.

Absence de protection, absence de directives, absence de reconnaissance, pour nous, tout cela a encore renforcé le sentiment de solitude que nous éprouvons continuellement. Notre secteur n’est ni reconnu, ni valorisé, alors qu’il est essentiel à notre société. Les aides à domicile le ressentent et cela ne fait qu’ajouter au climat d’anxiété ambiant.

Tout au long de cette pandémie, le risque de démobilisation des personnels est grand !  

Notre rôle, c’est de les rassurer au mieux et de compenser en fonction de nos possibilités. Nous avons mis en œuvre des moyens pour les gratifier : une cagnotte solidaire en ligne, qui a très bien fonctionné avec à ce jour une soixantaine de donateurs ; les fonds seront reversés sous forme de prime aux salariés mobilisés sur le « front ».

Pour casser ce climat d’anxiété, nous avons également mis en place une plateforme collaborative sur klaxoon où les salariés peuvent partager leurs idées, réflexions, messages positifs, mais aussi des mots de soutien et de remerciements des usagers.

Depuis le début du déconfinement, nous reprenons progressivement nos activités, en souhaitant que les bénéficiaires continuent de bien respecter les gestes barrière lors des interventions à domicile pour la protection de nos salariées, et qu’ils respecteront nos protocoles.

Si je devais formuler un souhait pour la suite : avoir enfin la reconnaissance et la valorisation de nos métiers à domicile, à la hauteur de leur importance pour des milliers de personnes fragiles au quotidien"