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Pacte Ambition IAE : notre position à l'issue d'un an de concertation

03 octobre 2019

Depuis plus d’un an, l’actualité autour de la lutte contre la grande pauvreté et pour l’inclusion des personnes dans l’emploi ne cesse de placer les structures inclusives que nous sommes, sous le feu des projecteurs. Si un certain nombre d’annonces volontaristes ont été faites par le Gouvernement durant l’année écoulée, COORACE reste extrêmement vigilant aux impacts que pourraient avoir les politiques publiques dans leur ensemble pour les personnes précarisées ou exclues du marché de l’emploi. 

Plusieurs signaux encourageants ont été adressés par le Gouvernement à l’attention des acteurs de l’inclusion. Le 16 janvier 2018, le rapport « donnons-nous les moyens de l’inclusion », de Jean-Marc Borello, posait une première pierre dans l’édification d’une politique engagée dans la lutte contre le chômage de longue durée et la grande pauvreté en affirmant que le chômage est une responsabilité collective et en instaurant le terme d’employeur-abilité. 

L’annonce du plan de lutte contre la pauvreté par le Président de la République le 13 septembre 2019, est venu conforter notre impression, celle d’une prise de conscience gouvernementale de l’urgence collective à accompagner dans l’emploi les plus précaires et à mettre en œuvre des solutions concrètes, avec des moyens budgétaires à la hauteur des enjeux. COORACE a salué les 8,5 milliards d’euros alloués à ce plan, les 100 000 postes d’insertion supplémentaires annoncés pour conduire les personnes exclues vers un emploi durable ainsi que l’approche globale du plan pauvreté prenant en compte les différents aspects de la vie des personnes. 

Le Conseil de l’Inclusion dans l’Emploi, présidé par Thibaut Guilluy et créé fin 2019 a ensuite permis une large concertation avec les réseaux de l’IAE pour préparer une réforme du secteur afin de « faire plus, faire mieux, faire plus efficient, faire avec les entreprises » et passer de 140 000 personnes en parcours d’insertion à 240 000 personnes en 2022. COORACE s’est fortement impliqué en organisant des concertations avec ses adhérents dans plus de 8 régions et en portant 42 propositions pour réformer l’IAE aux côté d’Emmaüs France, la Fédération des acteurs de la solidarité, Chantier Ecole, Réseau Cocagne et les Restaurants du Cœur.  

Clôturant ces travaux, le Conseil de l’Inclusion a remis le 10 septembre 2019 son rapport : "Pacte d'ambition pour l'IAE – Permettre à chacun de trouver sa place" à la Ministre du Travail, Muriel Pénicaud, en présence du Président de la République, Emmanuel Macron qui reconnaissait dans son discours "l’IAE comme un investissement social et non comme une dépense budgétaire". COORACE a salué l'augmentation budgétaire permettant d’accueillir un plus grand nombre de personnes en parcours d'inclusion. Car, si le chômage recule, cela masque néanmoins l’augmentation du nombre de chômeur de longue durée. 

De nombreuses mesures contenues dans le Pacte Ambition reprennent des combats et propositions fortes portées par COORACE depuis plusieurs années, pour mieux accompagner les personnes et territoires les plus fragiles : CDI inclusion pour les séniors, prise en compte des territoires fragilisés avec une aide financière, fluidification des parcours vers l'emploi au sein des Groupes économiques solidaires, levée du plafond pour les mises à disposition effectuées par les Associations intermédiaires, possibilité de recourir à des contrats de professionnalisation pour faciliter la formation des salariés... Cela témoigne de la qualité des échanges et des contributions des réseaux de l’IAE qui souhaitent la réussite de ce Pacte et plus encore, le soutien des pouvoirs publics aux structures inclusives qui œuvrent au développement économique et social des territoires. 

Toutefois, cette politique publique ambitieuse est percutée de plein fouet par des mesures en contradiction directe avec les objectifs d’une société inclusive luttant contre la grande précarité.

La réforme de l’assurance chômage, actuellement mise en œuvre, instaure de nouvelles règles d’indemnisations venant percuter de plein fouet les travailleurs précaires qui cumulent les contrats courts et les périodes de chômage. Désormais, il faudra avoir travaillé 6 mois durant les 24 mois précédents contre 4 mois sur les 28 mois précédents actuellement pour percevoir des indemnités. Ce changement fera beaucoup de perdants et notamment chez les salariés les plus précaires qui rencontrent des difficultés à cumuler des heures de travail et qui, en même temps, ont le plus besoin de l’assurance-chômage. Les jeunes entrant dans la vie active avec des contrats courts, ou les femmes isolées ne pouvant cumuler des heures de travail équivalentes à un temps plein seront les grands perdants de cette réforme. De plus, les personnes qui pourront prétendre au chômage percevront des indemnités largement diminuées.

Enfin, COORACE ne peut masquer son inquiétude quant à certaines mesures ou intentions contenues dans le Pacte Ambition pour l’IAE, déstabilisant la complémentarité entre les dispositifs et risquant de reléguer les structures associatives accueillant les publics les plus éloignés de l’emploi (ACI et AI) à des modèles non prioritaires. Encore une fois, les personnes en grande précarité accompagnées par ces types de structures d’insertion risquent de ne pas suffisamment être prises en compte dans cette réforme en cours. 

Les vecteurs juridiques de mise en œuvre de la réforme IAE sont variés (réglementaires, législatifs…) et les calendriers prévisionnels sont étendus (de fin 2019 à 2021). COORACE restera très vigilant sur le calendrier de mise en œuvre des mesures et sur l’écriture des décrets d’application. En effet, certaines mesures sont très attendues par les structures inclusives dans les territoires.