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Le Conseil d’analyse Economique alerte sur l’emploi des jeunes peu qualifiés en France

27 mai 2013
Dans sa note d’avril 2013, le Conseil d’Analyse Economique annonce qu’en France 17% des 15-29 ans ne sont ni dans l’emploi, ni en formation, ni scolarisés (NEET1]), soit 1.9 millions de jeunes. Parmi eux, 900 000 ont quitté le système scolaire sans diplôme. Or, le niveau d’étude est déterminant pour l’insertion professionnelle. En effet, 80% des jeunes ayant fait des études supérieures trouvent un emploi dans les 3 ans suivant leur sortie du système éducatif, contre 30% seulement pour ceux sortant après le collège.

Pour le Conseil d’Analyse Economique, la faiblesse du taux d’emploi des jeunes peu qualifiés en France s’explique par 2 obstacles majeurs, directement liés à la politique de l’emploi dans l’hexagone. 

Le premier est concomitant à « leur capacité à acquérir des compétences et à s’adapter aux besoins des entreprises ».  L’enseignement professionnel est aujourd’hui inadapté en France aux jeunes non ou peu qualifiés. Le nombre de jeunes en apprentissage a doublé depuis 20 ans mais bénéficie surtout aux jeunes diplômés. Le Conseil d’Analyse Economique préconise de recentrer le budget de la Taxe d’Apprentissage sur les jeunes les plus éloignés de l’emploi, et de  réorganiser une partie des emplois d’avenir prévus sur des « formations d’avenir » à temps plein dans les EPIDE[2] et les E2C[3].

Par ailleurs, il souligne la «  faiblesse de l’accompagnement vers l’emploi des jeunes les moins qualifiés ». Avoir un taux d’encadrement efficace et un réel système de pilotage est indispensable pour que le dispositif fonctionne. A cet effet, il recommande un renforcement « de manière ciblée [des] moyens du service public de l’emploi sur les jeunes les moins diplômés, en s’appuyant sur les missions locales et sur des prestataires extérieurs dont les interventions seraient coordonnées par une unique entité administrative ».

Partant du constat que parmi la population des 20% les plus pauvres, la moitié a entre 15 et 29 ans, et afin de lutter contre l’exclusion sociale et professionnelle qui en découle, le Conseil d’Analyse Economique aborde également la possibilité de délivrer le RSA socle dès 18 ans. De type « garantie jeune », sa perception serait conditionnée à une obligation de recherche d’emploi réellement contrôlée et sanctionnée, à un accompagnement personnalisé et, le cas échéant, à des formations véritablement qualifiantes.

Le deuxième obstacle est relatif au manque d’offres d’emploi de la part des entreprises en direction des jeunes peu qualifiés, pourtant nécessaires pour amorcer leur carrière professionnelle. Cette carence est consécutive de deux points.

Le premier point est relatif au coût du travail. En effet, une part importante des jeunes de 15 à 29 ans n’est pas assez qualifiée pour que leur productivité couvre leur coût horaire. Ceci limite leur chance d’insertion professionnelle. Réduire le coût du travail des jeunes non qualifiés nécessite d’approfondir les allègements de cotisations au niveau du salaire minimum. Il est démontré que ces allègements créent d’autant plus d’emplois qu’ils sont ciblés sur les bas salaires[4]. Pour ce faire, le Conseil d’Analyse Economique propose de cibler les contrats de génération sur les rémunérations inférieures à 1.6 le SMIC pour l’emploi des jeunes en CDI.

Le deuxième point est le dualisme des contrats de travail français qui rend difficile l’entrée des jeunes sur des emplois « stables ». Alors qu’idéalement le marché du travail devrait compenser peu à peu les inégalités issues de l’école en permettant aux jeunes non diplômés d’acquérir des compétences professionnelles, il les accentue en séparant strictement les emplois « stables », CDI encadrés et protégés, des emplois à durée déterminée, représentant aujourd’hui 90% des embauches et touchant 5 fois plus de jeunes que d’adultes. Un tel système apparait injuste car les CDD ne sont un tremplin vers l’emploi stable que pour les plus qualifiés[5]. Pour le Conseil d’Analyse Economique une nouvelle formule du contrat de travail devrait être créée, simplifiant notamment la rupture du contrat de travail pour motif économique. Pour éviter des ruptures excessives de contrat, les cotisations des entreprises devraient également être modulées en fonction du volume de leurs destructions d’emplois.

Sans politique ou plan pour l’emploi spécifique visant à améliorer cette situation, ces données qui perdurent depuis 30 ans s’accentueront dans les années à venir et les jeunes peu ou pas qualifiés seront de plus en plus exclus en France.



[1] Acronyme de Not in Education, Employment or Training.

[2] Etablissements Publics d’Insertion de la Défense.

[3] Ecoles de la 2ème Chance.

[4] Cahuc P. et S. Carcillo (2012) : « les conséquences des allègements généraux de cotisations patronales sur les bas salaires », Revue Française d’Economie, vol.27, n°2, octobre.

[5] Junod B. (2006) : « Le CDD : un tremplin vers le CDI dans deux tiers des cas… mais pas pour tous », Documents d’Etudes de la DARES, n°117, juillet.