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Il faut augmenter le nombre d’emplois aidés

09 novembre 2016

Si les chiffres du chômage de septembre marquent une amélioration, à l’heure où est débattu le projet de loi de finances 2017, il ne faut pourtant pas s’y tromper : le chômage est toujours une réalité pour plus de 5 millions de personnes et la situation de l’emploi exige de nouveaux appuis, sous peine de définitivement reléguer dans une sous-société plusieurs millions de nos concitoyens.

Sur 5,7 millions de personnes inscrites à Pôle emploi, 3,7 millions sont sans activité, et surtout, 2,4 millions de ces personnes subissent cette situation depuis plus d’un an. Surtout ? Oui, car le chômage est une véritable spirale infernale, qui s’autoalimente sans cesse et qu’il est particulièrement difficile de briser. Ainsi, le conseil d’orientation pour l’emploi concluait en 2014 que près de deux millions d’entre nous étaient durablement éloignés du marché du travail.

De nombreuses voix critiquent les emplois aidés, notamment pour les jeunes, les rabaissent au rang de charges financières inutiles plombant notre économie. Elles appellent à leur diminution drastique, pour financer par exemple davantage de formation pour les demandeurs d’emplois. Oui, il faut beaucoup plus former les demandeurs d’emploi – ils n’étaient que 12% en 2014 à bénéficier d’une formation et malgré les efforts du gouvernement, plus de trois sur quatre resteront privés de formation en 2016. Mais cela ne doit pas se faire au détriment des emplois aidés. Pour ces personnes très éloignées du marché du travail, pour beaucoup de jeunes non qualifiés, ils sont les seuls à apporter ce qui reste le remède premier au chômage : l’emploi.

Les emplois aidés – contrats aidés, emplois d’avenir, postes de travail dans l’insertion par l’activité économique ou les entreprises adaptées pour les personnes en situation de handicap – permettent en effet aux personnes d’occuper un emploi quasi-immédiatement, brisant ce cercle vicieux du chômage. Ils devraient redonner aussi des perspectives d’emploi durable. Que l’emploi soit subventionné ou non, il permet toujours d’acquérir un salaire, des droits sociaux, de l’expérience, des compétences, la confiance en soi et la création d’un réseau professionnel, a fortiori lorsqu’il est assorti, d’un tutorat renforcé, d’un accompagnement socioprofessionnel et d’immersions en entreprises. L’emploi aidé n’est d’ailleurs pas incompatible avec la formation, bien au contraire : trois jeunes en emplois d’avenir sur quatre ont bénéficié d’une formation.  

Pourtant, au-delà même des critiques entendues, le projet de loi de finances 2017 ne prévoit pas d’augmentation du nombre de postes dans l’insertion ou les entreprises adaptées (respectivement stables à environ 65 000 et 23 000 emplois à temps plein). Il prévoit même une baisse du nombre de contrats aidés, de 15 000 par rapport à 2016. Au total, en 2017, près de 430 000 personnes devraient bénéficier de ces emplois aidés. Elles étaient plus de 500 000 en 2015.

Alors que le secteur privé n’a créé que 143 000 emplois entre juin 2015 et juin 2016, ce qui permet tout juste d’absorber le flux de nouveaux entrants sur le marché du travail, il est déterminant de miser sur ces emplois aidés pour sortir ces deux millions de personnes de l’exclusion de l’emploi – et empêcher d’autres centaines de milliers d’y tomber.

Etre privé d’emploi depuis plus d’un an, c’est en effet souvent être privé de ressources autres que des minima sociaux dont le niveau est largement inférieur au seuil de pauvreté – rappelons que seul un demandeur d’emploi sur deux est indemnisé par l’assurance chômage. Etre au chômage de longue durée, c’est aussi éprouver les pires difficultés à conserver son logement, à s’alimenter correctement, à se soigner, à conserver un véhicule en état de marche ou encore à pouvoir faire garder ses enfants. Et comment reprendre un emploi quand on ne peut se rendre à l’entretien d’embauche, quand sa santé est trop faible pour tenir une journée de travail ou quand on doit rechercher un toit pour la nuit ? Etre au chômage depuis plus d’un an, c’est aussi perdre les repères du monde de l’entreprise et ne plus être sûr de ses compétences. C’est enfin cesser d’être crédible auprès d’un employeur.

Etre au chômage, c’est diminuer chaque jour ses chances de retrouver un emploi.

Soyons honnêtes : aux personnes qui vivent cette exclusion de longue durée, les portes de l’entreprise sont aujourd’hui le plus souvent fermées, et le resteront même en cas de reprise économique. S’il faut combattre le chômage, mener des réformes structurelles de notre économie et résoudre enfin le problème dramatique du décrochage scolaire, il est nécessaire de lutter plus fortement encore contre cette exclusion durable du marché du travail et d’agir vite, pour les personnes qui vivent aujourd’hui le chômage de longue durée. Elles ne peuvent pas attendre, tant leur situation se dégrade chaque jour davantage – puisque le chômage, d’après un avis récent du conseil économique, social et environnemental, tue 14 000 personnes par an.

Le seul moyen de répondre rapidement à cette urgence est donc d’augmenter – et non de diminuer- le nombre d’emplois aidés, en ciblant fortement les personnes les plus en difficulté : chômeurs de longue durée, jeunes sans qualification, personnes en situation de handicap et salariés en insertion. Nous demandons une augmentation de l’enveloppe d’emplois aidés dans le projet de loi de finances pour 2017. Pour que ces emplois aidés soient une réponse aussi durable que réactive au chômage de longue durée, ils doivent en outre pouvoir être d’une durée adaptée au parcours des personnes, et bénéficier d’un tutorat renforcé, d’un accompagnement et d’un accès important à la formation professionnelle, comme cela a pu être le cas des emplois d’avenir. Ils seront alors un tremplin d’autant plus efficace vers l’emploi durable. La mobilisation des conseils régionaux, de Pôle emploi et des organismes paritaires collecteurs agréés est à ce titre cruciale.

Les conseils départementaux doivent également prendre leur part à cet effort ; ils sont trop nombreux à se désengager des politiques d’insertion et à supprimer eux-mêmes des emplois aidés, dans les ateliers et chantiers d’insertion en particulier. Pour ne pas abandonner les millions de personnes exclues du marché du travail, pour ne pas désespérer les jeunes sortis du système scolaire sans qualification, pour que l’accès à l’emploi soit un véritable objectif et pas une chimère, l’engagement de tous est capital.

Louis Gallois, Président de la FNARS
Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT
Jean-Claude Mailly, Secrétaire général de Force ouvrière
Etienne Pinte, Président du CNLE
Eric Heyer, Directeur du Département Analyse et Prévision  de l’OFCE
Dominique Méda, professeure des universités, Paris Dauphine
Bernard Gazier, professeur émérite de science économique à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Bruno Palier, Directeur de recherches du CNRS à Sciences-Po
Denis Clerc, économiste et fondateur d’Alternatives économiques
Thierry Pech, Directeur général de Terra Nova
Thierry Kuhn, Président d’Emmaüs France
Claire Hédon, Présidente d’ATD Quart Monde
Alain Rochon, Président d’Association des paralysés de France
Véronique Fayet, Présidente du Secours catholique
Pierre Langlade, Président de Coorace
François Soulage, Président du Collectif Alerte