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Hackathon COORACE : "Quels sont les leviers pour le développement des territoires solidaires dans une logique de coopération ? "

31 juillet 2018

Organisée le 12 juin lors du Hackathon COORACE, la table ronde "Quels sont les leviers pour le développement des territoires solidaires dans une logique de coopération ? "  a réuni :

  • Esteve Ferrer, coordinateur de la fédération des Entreprises d’Insertion Catalogne FEICAT,
  • Jean François Memier, président de l’inter-réseau IAE d'Occitanie IRIO
  • Laurent Gardin, maître de conférence en sociologie, responsable du Master développement local et économie solidaire et d'une Chaire ESS dans les Hauts-de-France.

Esteve Ferrer, qui a accueilli les adhérents COORACE lors des visites apprenantes en amont du hackathon, est revenu sur les spécificités des entreprises d’insertion en Catalogne. Elles se sont développées en 1990, avec l’apparition de la liberté d’association qui a entraîné la création d’un grand nombre d’organisations sociales. Elles se basent sur une devise : ”Chaque individu doit devenir le protagoniste de sa propre libération”

Esteve Ferrer nous explique ensuite les principales obligations légales, qui incombent à ce type d’entreprise en Catalogne, permettant aux participant-e-s d’établir un comparatif avec les spécificités françaises :

  • Poursuivre le but de l’insertion sociale et du travail des personnes en risque d’exclusion.
  • Un minimum de 51% des actions de l’entreprise doivent appartenir à des entités à but non lucratif.
  • Environ 50% des employés doivent être en itinéraire d’inclusion.

La parcours d’insertion a, en Catalogne, une durée maximum de 3 ans. L’entreprise doit également se doter de compétences au sein de son équipe :

  • Un-e professionnel-le de l’accompagnement
  • Un-e professionnel-le de la formation dans les processus productifs de l’entreprise.

L’entreprise d’insertion ne peut partager que 20% de ses bénéfices. 80% de ceux-ci doivent impérativement être réinvestis dans l’entreprise d’insertion. Elle bénéficie d’aides publiques pour couvrir l’engagement des techniciens d’accompagnement et de production. M. Ferrer a terminé son intervention sur un message amical à l’attention du réseau COORACE, peut-être les prémices d’une coopération plus large à venir :

«  Vous serez toujours les bienvenus à FEICAT et dans les entreprises d’insertion de la Catalogne “ 

Jean François Memier, président de l’inter-réseau IAE d'Occitanie IRIO, a, quant à lui, évoqué l’intérêt des coopérations pour innover dans nos secteurs, notamment dans une dynamique d’inter-réseau.

La création de l’IRIO a été réalisée dans le cadre de la Loi NOTRE, portant réforme territoriale en France et fusion de certaines régions. Jean-François Memier évoque les difficultés rencontrées pour la création de cet inter-réseau. Le territoire est très vaste, avec de nombreuses agglomérations, et des pôles Est et Ouest avec chacun des fonctionnements que ce soit institutionnel ou économique bien spécifiques.

Deux chantiers sont en cours actuellement au sein de l’IRIO, qui regroupe six têtes de réseau de l’IAE :

Une plateforme de mutualisation de la formation, initiée en Midi-Pyrénées. La formation est un secteur fondamental pour les salarié-e-s permanent-e-s des structures mais également pour les salariés en inclusion insiste l’orateur.
L’inter-réseau souhaite également disposer d’un lieu commun pour les réseaux, afin qu’ils puissent se retrouver, échanger, et favoriser l’émergence de projets collectifs qui puissent être repris par l’ensemble.

D’autres formes de coopération voient le jour. L’IRIO est présent au sein de REALIS, la pépinière de l’ESS à Montpellier. L’organisation a également lancé la création d’un PTCE avec quatre structures à Ramonville et souhaiterait créer un PTCE à Toulouse et à Montpellier. Jean François Memier est en convaincu, l’innovation passe par une organisation et une volonté de travailler ensemble.

Pour finir, Laurent Gardin, maître de conférence en sociologie, oriente son intervention autour de deux ítems : l’économie dans l’ESS et la coopération, en donnant des clés de repères théoriques.

Sur leur modèle de développement économique, la tendance générale de l’économie sociale et solidaire est à l’hybridation des ressources. On assiste également à la marchandisation d’un grand pan du secteur.

Le secteur de l’IAE se situe dans le registre des associations entrepreneuriales depuis longtemps, avec la vente de biens et de services, en partenariat avec les pouvoirs publics, et dans des logiques de réciprocité. Le secteur répond en effet à des besoins non satisfaits sur les territoires et à une demande sociale.

Laurent Gardin nous alerte sur le fait que si on se situe uniquement dans une logique de pondération entre le marché et la redistribution, on oubliera ce qui est au fondement des initiatives de l’ESS.

Cela pose la question même des coopérations. Sur les rapports entre l’ESS et les entreprises privées, de plus en plus de coopérations sont opérées notamment pour réduire les coûts. C’est également un levier pour les entreprises classiques d’accéder à certains types de ressources.

Différentes formes de de « coopération » existent :

•  Accompagnement des coopérateurs par l’employeur cédant son entreprise

•  Venture philanthropy (méthode du capital risque) avec néo-philanthropes qui attendent un retour social sur investissement

•  Réalisation de marchés en commun (clauses sociales, co-traitance, sous-traitance...)

La création d’entreprises communes (joint venture) :

•  A but non lucratif : fonds de dotation

•  A forme capitalistique à vocation sociale comme les Gramen (ex. Gramen Danone)

Laurent Gardin évoque l’approche dialectique des collaborations de Semenowicz. Il existe une part de risque dans ce type d’alliance avec des compromis qui peuvent s’avérer déséquilibrés, et qui peuvent s’accompagner d’une perte de légitimité pour les structures de l’ESS. Selon lui, la participation des pouvoirs publics, des collectivités territoriales est un bon levier pour rééquilibrer ces partenariats, au sein des territoires.